Adam Jahiel

Adam Jahiel est né à Ann Arbor en 1956 dans le Michigan, il vit aujourd’hui dans l'État du Wyoming. De 1976 à 1980, il étudie la photographie commerciale au Brooks Institute of Photography. Entre 1980 et 1983 il suit une formation de journaliste photoreporter à l’université du Missouri. Adam a eu une carrière professionnelle très diversifiée, en 1980 il rencontre le peintre californien Channing Peake avec qui il entretient une solide amitié qui le fait s’intéresser à la peinture expressionniste. En 1983 il commence à travailler pour Douglas Kirkland, un photographe de New York, durant 2 ans il sera son assistant et voyagera beaucoup dans le monde (France, Espagne, Yougoslavie, Inde, Chine …) engrangeant une solide expérience. En 1985, il travaille avec Arnold Newman, célèbre portraitiste, qui lui enseigne la prise de vue des portraits instantanés. Fort de ces solides expériences diverses et variées, Jahiel entame une carrière indépendante en faisant des éditoriaux et en réalisant des photographies commerciales pour des entreprises. Puis il commence à travailler pour l'industrie du cinéma avec un premier grand projet sur le film « Out of Africa » pour la chaine HBO. Mais, Adam est également attiré par des projets d'aventure, et en 1987, il rejoint en tant que photographe, l’expédition « Titanic ». Dès lors ses travaux apparaissent dans la plupart des grandes publications américaines comme le Time, Newsweek, le New York Times ou encore National Geographic... En 1998 il obtient sa première bourse individuelle photographique suivie par une seconde en 2002. En 2012 il publie un magnifique livre d’un reportage qu’il a fait au Kirghizistan sur la route de la soie intitulé « Kyrgyzstan : Along the great silk road »


Le projet « Last Cowboy » :

Mais son œuvre la plus connue est sans aucun doute le projet « Last Cowboy », projet sur lequel il va travailler durant de nombreuses années. En effet, il y a une vingtaine d’année, Adam Jahiel commence un reportage photo sur les « Buckaroo ». Un Buckaroo est un cow-boy du Grand Bassin, une région de Californie des États-Unis, l’une des régions les plus inhospitalières de l'Ouest américain. Le mot « Buckaroo » est né à partir de l’américanisation du mot espagnol « Vaquero ». Des milliers d'images plus tard, il dit qu'il découvre toujours les secrets d'une des cultures les plus authentiques de l'Amérique, qui s’éteint pourtant chaque année un peu plus. Les cow-boys  entretiennent une forme de tradition dépassée par le temps et le modernisme, mais les derniers représentants de cet art de vivre tiennent bon, avec une ténacité féroce. C’est l’art de l’homme qui lutte contre son milieu naturel rude et contre lui-même parfois. Dans cet univers le respect ne se mesure pas aux attributs de la vie moderne, mais bien au talent, à la connaissance et à l'habileté du rapport entretenu entre l’homme, la nature et l’animal. Jahiel essaye de faire ressentir ces différentes notions dans ses photographies. Les cow-boys ne sont pas présentés comme des icônes hollywoodiennes mais bien comme des hommes authentiques qui perpétuent leurs racines et des traditions dont ils sont les derniers gardiens.

Ce projet est né une journée d'été en 1989, quand Jahiel qui travaillait alors pour le journal « L'Abeille de Sacramento » a été envoyé dans un ranch à la frontière de la Californie et du Nevada pour prendre des images d’un rodeo. A la fin de son travail, Adam a demandé aux propriétaires du ranch la permission de prendre des photographies sur son propre temps pour son compte personnel. Ils ont accepté et lui ont fourni une lettre lui donnant l'accès à l’ensemble des ranchs qu'ils possédaient à travers le Nevada. Jahiel se souvient : « Le premier ranch où j'ai passé du temps était « l'IL » situé dans le Nevada du nord ... Je suis arrivé et j’ai commencé à prendre des photographies de manière instinctive sans vraiment savoir ce que je faisais. Je gardais mes yeux grands ouverts pour ne rien manquer que je pourrais regretter ensuite. J’ai juste essayé de rester à l'écart autant que possible pour ne pas gêner ces gens qui travaillaient. Après environ 10 jours de prises de vues, j'ai remercié le patron, en lui disant que j'avais obtenu les images dont j'avais besoin et que je partais. Le seul mot qu’il a dit était « Bien » puis s’en est allé de sur son cheval. J’étais déçu de partir et alors que je rangeais mon matériel le propriétaire est arrivé dernière moi et a dit : « Si vous voulez faire plus de photos dans d’autres ranchs de la région, vous pouvez vous présenter de ma part. C'était un honneur de vous accueillir, le plus grand que je n'ai jamais reçu ! » J’étais très surpris et ravi, car en règle générale, ces types au visage impassible ne parlent pas beaucoup. Dès lors tout s’est mis en mouvement, j’avais un pied à l'intérieur du monde des Buckaroos ! » Depuis, les Cow-boy ne prêtent plus d'attention à Adam armé de son moyen format, car chaque été depuis 1989 il leur rend visite. Jahiel a voyagé dans l'Idaho, le Nevada et l'Oregon, capturant des images de cow-boys, de ces régions, des paysages et de la plupart des ranchs historiques. Aujourd'hui, ses photographies comptent des milliers de portraits de Buckaroos, de rassemblements de chevaux, de marquages, de rodéos et de campements faits de tentes au milieu du grand Ouest.

On peut diviser « Last Cowboy » en deux catégories d’images, des clichés de « héros » et des clichés de type « documentaire ». La première catégorie est formée par des images dans l’esprit de Malboro, des photographies que l’on pourrait accrocher chez soi au mur. La photo nommée « Rancho Grande » en est le bon exemple, on y voit un cheval qui se cabre, dominant un cow-boy dont le visage est dans l'ombre de la barrière du corral. Cette image est dominée par l'action et les contrastes poussés des nuages, des ombres et de la lumière. La seconde catégorie met en scène la vie quotidienne et donne au spectateur la sensation d’entrer dans la vie intime des Buckaroos. Ces clichés, moins susceptibles d'être exposés dans un salon, ont pourtant une âme et viennent compléter d’une manière indispensable l’ensemble du projet. On y voit des cow-boys le matin au réveil, prenant un café, ou en fin de journée après leur travail, travaillant assis, décompressant ou racontant des histoires. L’ensemble de cette série montre qu’un tel style de vie perdure dans notre époque ultramoderne et confortable.


La méthode Jahiel :

Pour que cet aspect documentaire puisse bien passer, il fallait absolument faire de l’instantané et ne pas mettre en scène les compositions, il fallait que les sujets soient naturels devant l’objectif. Tout photographe qui espère prendre un portrait réussi du visage dur d’un Buckaroo a aussi un travail à faire pour y parvenir. L’un des plus grands défis était donc de se fondre dans la masse et de mettre les sujets à l'aise afin qu'ils agissent naturellement face appareil. La clé du succès a été de retourner dans les mêmes ranchs chaque année et finalement de gagner la confiance des cow-boys. A force Adam devient partie intégrante du décor, plus les années passent plus la confiance s’installe et moins les Buckaroos voient le photographe comme un élément extérieur à leur vie. L’effet réciproque est que les photos sont de mieux en mieux, on y ressent un compte rendu fidèle d’une vi sans artifice et sans « tricherie », les  cow-boys s’ouvrent à l’objectif sans retenue. Plus les années filent plus Adams sait quand disparaître et réapparaître, les ficelles du métier aidant des photos comme celle intitulée « Riley Cleaver » a une dimension intime profonde car le sujet ne se rend pas compte qu’il est photographié. Et je vous garanti que cela n’est pas si simple que cela à réaliser, ayant moi-même adopté cette démarche depuis 5 ans avec une compagnie médiévale que je suis régulièrement au point de passer inaperçu quand je suis parmi eux. Le tout étant de ne pas arriver avec son appareil et de commencer à déclencher à tout va. Il faut échanger, attendre que tout le monde soit à l’aise et ensuite progressivement trouver des angles qui permettent le camouflage dans l’action. Ainsi on sort vraiment des portraits naturels et de qualité qui transmettent des émotions et véhiculent des expressions fortes. Comme le dit Adam, « Plus le sujet se détend, plus il vous oublie et plus il devient vrai. »

D’ailleurs à propos d’habitude et de connaissance du sujet, de toutes les photos de la collection, « Roping a cloud » s'impose comme le grand chef-d'œuvre de « Last Cowboy ». Cette photo, il l’a prise un matin avant l'aube dans le ranch de « IL ». Jahiel se souvient : « Il y a beaucoup de mouvements qui se reproduisent étant donné la répétition des gestes des cow-boys, comme le moulinet au lasso afin de capturer un cheval pour le dresser ou le marquer. Vous savez ce qui va se passer, si un photographe peut avoir une longueur d'avance sur les choses et s’y préparer il a plus de chance de sortir une belle image. J'ai vu la scène qui allait se passer avant qu’elle n’arrive quand le  Buckaroo a fait un pas en avant. Ensuite la logique voulait qu’il fasse deux moulinets avec son lasso puis qu’il le lance pour attraper le cheval. Le soleil n'était pas encore levé, il n'y avait presque pas de lumière, néanmoins, j’ajuste rapidement les réglages de l'appareil photo pour capturer autant de lumière que possible et opte pour un mode rafale. Ensuite il ne me reste plus qu’à anticiper sur le bon moment et à faire la mise au point au centre de la corde. Ce n'est que quelques semaines plus tard dans mon atelier du Wyoming quand je développe le film, que je découvre l’image. Maintenant le fait que la corde encercle le nuage solitaire dans le ciel appartient à la magie de la photographie, il faut souvent un facteur chance pour qu’une image soit plus qu’une simple bonne photo. »


Voici trois liens sur lesquels vous pourrez découvrir une partie de son œuvre : www.adamjahiel.com, http://adamjahielphotography.com/ et http://adamjahiel.wordpress.com/


Quelques unes de ses photographies sont dans le portfolio :