Doàn Công Tinh

Doàn Công Tinh est né en 1943, dans une famille de militaires vietnamiens. Passionné de photographies, il devient, à 25 ans, correspondant de guerre au journal « Armée populaire ». Soldat pendant la guerre, son arme principale sera son appareil photo puisqu’il est photographe de l'Armée populaire du Vietnam. Primé de nombreuses fois pour ses reportages, Doàn Công Tinh vit aujourd’hui à Saïgon (Hô-Chi-Minh ville) avec sa femme qui est médecin militaire.

Après la libération de Saïgon et la réunification du pays, Doan Cong Tinh a quitté le nord et s'est installé au sud. Depuis la fin de la guerre, il a évolué vers d'autres métiers qui n'ont rien à voir avec le journalisme. Agé de 45 ans, Doàn Công a demandé à prendre sa retraite. Il est allé creuser l'étang de tilapia, il a élevé des cailles mais il a échoué dans ces nouvelles vies. Il a déménagé pour travailler comme photographe au zoo et au jardin botanique. La plupart des gens ne savent pas que ce photographe est en réalité un célèbre reporter. Avec le temps sa vie matérielle s'est progressivement amoindrie et depuis lors, il est redevenu photographe indépendant pour subvenir à ses besoins.


Premier contact avec l’armée :

A l'âge de 19 ans, Doàn Công se porte volontaire pour intégrer l’armée populaire du Vietnam. En 1965, il obtient son diplôme d'officier d'artillerie à l'académie militaire. Pendant ses études, il a acheté un appareil photo Feddeka de fabrication russe à un camarade de classe et s'initie à la photographie.

En 1967, il commence à utiliser ses propres photographies pour accompagner les articles qu'il écrit pour le journal politique. Son commandant, remarque son intérêt pour la photographie, et lui remet un Praktica, un appareil photo allemand. Doàn Công Tinh se porte volontaire pour couvrir le front sud le long du sentier Ho Chi Minh de 1970 à 1973. Il est photographe pour l'agence de presse du Vietnam. Surnommé « le roi du champ de bataille », il était connu pour capturer l'action de guerre au moment propice, puis pour faire publier ses images en temps opportun.

Le seul regret de Tinh, au cours de sa vie en tant que correspondant de bataille, est d’avoir manqué la libération de Saigon en 1975. A ce moment-là, il étudiait à l'Académie politique, et le jour où il a obtenu son diplôme les évènements étaient terminés.


Doàn Công Tinh raconte son métier :

« Le reporter de guerre doit avoir un esprit d'acier, il doit arracher des photos au milieu des bombardements, plus les balles fusent plus elles impactent ses images de manière agressive » a déclaré le correspondant de guerre Doan Cong Tinh. Cependant, il reste très fier de son travail, mettant sa carrière et sa jeunesse passionnées au service d’un idéal. Il résume son métier ainsi : « La frontière entre la vie et la mort est fragile, mais l'amour du métier et le courage vous aident à rester en vie et à surmonter vos peurs. Vous devez faire des photos, vous devez enregistrer des moments historiques uniques. C’est la seule motivation suffisante qui vous permet de ne pas vaciller au milieu des combats ».

Selon lui un photographe de guerre au front n'est pas différent d'un soldat armé, il doit même être encore plus courageux et plus enthousiaste. Le soldat pointe une arme vers l'ennemi et peut se jeter, rouler et ramper au sol. Le reporter de guerre n’a pas la même latitude, l'appareil photo en main n’est pas un pistolet !

Il a fait part lors d’un entretien que tous les correspondants de guerre n’avaient pas le même enthousiasme que lui. Il s’est confié sur sa présence dans l'ancienne citadelle de Quang Tri en août 1972. Au milieu de l'été brûlant de Quang Tri, Doan Cong Tinh demande à son supérieur de le laisser traverser la rivière pour entrer dans l'ancienne citadelle. Cette proposition audacieuse a d'abord été désapprouvée parce qu'elle était trop dangereuse. Mais au bout d’un moment il est autorisé à partir avec 3 autres reporters, et ils traversent la rivière Thach Han en bateau pour entrer dans l'ancienne ville. Mais à seulement 500 mètres de la ville, les reporters ont hésité à entrer parce que la zone était constamment bombardée. Ils ont décidé de s'arrêter et il est devenu le seul correspondant de guerre présent dans la citadelle de Quang Tri. Le guide lui a dit : « Tu es maintenant seul face aux bombes ». Il a saisi quelques unes de ses plus belles images de réalité féroce d’une bataille épique comme « Le sourire gagnant » ou « Le soleil souterrain »... Historiquement, ces photos sont considérées comme un témoignage historique précieux, et pour lui comme des moments inoubliables. Pendant ce temps, de l'autre côté de la ligne de front, le photojournaliste Nick Ut, malgré son transport par hélicoptère, n'a pas pu entrer dans la citadelle.


Souvenirs obsessionnels :

Doan Cong Tinh n'a jamais oublié ce dont il a été témoin. Le ciel et le sol était couvert de feu, les bombes pleuvaient sans cesse. Dans le bunker du commandant, des soldats blessés étaient répertoriés. A un moment le bruit des bombardements a été recouvert par les cris d'une intervention chirurgicale faite sans anesthésie. C'est à cet endroit qu'il a rencontré le soldat Xuan Chinh qui est sur « Sourire de victoire ». Il va prendre huit rouleaux de film ce jour là dans de nombreux recoins de la vieille ville, au milieu du vacarme des bombes. Une photo restera comme la preuve irréfutable que la citadelle de Quang Tri avait été reprise par l'armée du Nord Vietnam.

Seulement trois ans après, la guerre prenait fin, mais ce sentiment de revivre la guerre est toujours très obsessionnel. Après de nombreuses nuits, après 10 ans, 20 ans et plus… Cong Tinh est toujours effrayé en dormant. Dans son sommeil il crie toujours « Oh B52 ! ». Il revoit toujours ce jeune soldat qu’il n'a pu sauver, épuisé par la force de l'eau de la rivière Thach Han qui coulait trop rapidement…. Les visages de jeunes de 20 ans gisant dans la vieille ville le poussent toujours à vivre fièrement le présent en souvenir du passé.

Lors d'une rencontre avec le photographe Don Mc Cullin, Doan Cong Tinh a été entendu par le journaliste du front qui avait vécu la guerre au Vietnam. Don MC Cullin a déclaré : « Chaque soir, je me couche toujours avec mes fantômes.  J'ai pris beaucoup de choses à votre pays mais je ne sais pas encore comment le rembourser. Je me souviens tous les jours de la photo du soldat nord-vietnamien et à côté de lui la photo de sa femme. J’aimerais retrouver la famille de ce soldat pour échapper à l'obsession de la guerre. » À partir de cette histoire, Doan Cong Tinh a voulu dire que des deux côtés de la ligne de bataille, les journalistes de front ont tous connu les mêmes peurs, les mêmes bombardements féroces, les mêmes tourments et l’obsession des scènes de morts, de deuils…

Le site en vietnamien de Doan Cong Tinh est ici : https://doancongtinh43.blogspot.com/


Quelques unes de ses photographies sont dans le portfolio :