Philip Blenkinsop

De photographe à Reporter :
Philip Blenkinsop, est né en Angleterre en 1965, émigrant en Australie où il fait ses premières armes comme photographe de presse. Il devient reporter après une progression naturelle et logique de son travail à la rédaction d’un journal à Sidney. Le travail y était ennuyeux mais il lui a permis d’apprendre la technique. En choisissant le photoreportage, il a pu ressentir d’autres sensations  comme l’aventure, l’exotisme et le plaisir de saisir des images au vol. Au départ, son orientation vers le photojournalisme n’était pas motivée par une envie de sauver le monde ou par vocation humanitaire. Mais ses motivations vont changer avec le temps, avec les rencontres et à cause de certaines situations insoutenables.

Il décide en 1989 de partir pour l’Asie où il vit depuis à Bangkok : « Brutalement, le chaos de l’Asie m’a englouti, projetant ses révélations à chaque coin de rue. » Il voulait depuis quelques temps quitter l’Australie pour vivre un changement culturel et pour redonner un élan à sa vie. En effet, bien qu’il jouissait d’une vie confortable, il n’y avait pas vraiment de possibilités de travail pour des photographes indépendants en Australie. Il avait envisagé trois destinations : l’URSS, les Etats-Unis ou la Thaïlande. « J’ai finalement choisi la Thaïlande où le niveau de vie était peu élevé et aussi parce qu’elle se trouvait au centre de grands bouleversements. Il y avait des conflits entre les minorités ethniques et la junte militaire à la frontière birmano-thaï, et le Cambodge vivait dans une atmosphère de guerre civile. Il m’était difficile voire impossible de m’installer dans ces pays. La Thaïlande était donc le lieu idéal pour rayonner sur toute la région. » Du Timor oriental jusqu’au Cambodge en passant par le Laos, il a parfois risqué sa vie pour alerter le monde du sort désastreux de populations oubliées.


Un style volontairement choquant :
Les images de Philip sont sans fioriture, ni recherche d’esthétisme, elles sont poignantes. Cette manière directe peut choquer mais cette confrontation parfois brutale est salutaire car loin des nombreux clichés sur l’Asie. Ses photographies nous permettent de nous approcher d’une société secrète et qui peut nous paraître mystérieuse. Qu'il s'agisse de la guerre oubliée des Hmongs au Laos en 2003, du coup d'état à Phnom-Penh de 1997, de la guerre au Timor oriental, des violences  interethniques de l'île de Kalimantan en Indonésie en 1999 ou de l’actualité évènementielle, les images de Benkinsop sont souvent d’une violence extrême. Ses images, d’une façon parfaitement volontaire, sont directes et restituent le sentiment de cette violence. D’ailleurs son propos sur la question est très clair et assumé : « S’il y a de la violence dans mes photos, c’est qu’elle est omniprésente en Asie. » Par ailleurs la réaction des Asiatiques face à la mort est très surprenante pour des Occidentaux : « Lorsque les Thaïs voient un cadavre dans la rue, ils s’agglutinent, se délectent du spectacle et en discutent gaiement entre eux. » Philip déclare que les photographes ont tendance à s’autocensurer pour l’audience occidentale, ils se posent des questions comme : « Comment vais-je montrer cette violence ? » « Que dois-je montrer ? » Lui choisit de montrer l’horreur, mais en faisant en sorte que ses photos ne soient jamais vulgaires, ni gratuites. Pour Benkinsop, il y a une esthétique, une façon intelligente de montrer l’horreur en prenant garde à ne jamais tomber dans la gratuité.

Si la réflexion est parfaitement limpide, la forme est tout aussi réfléchie : « On ne rejoint pas une guérilla en emportant, en même temps que son Leica, une chambre et du négatif Polaroïd si l'on n'a pas un réel projet photographique. » Déclarera t-il. Les portraits figés d’individus ou de groupes, instaurent un face à face, une présence du regard et des acteurs qui dialogue avec les instantanés arrachés à l’action. C’est donc logiquement que les épreuves deviennent des pièces uniques, grâce à un savant travail d’inscription manuelle de textes qui donnent une information que l’image seule est incapable de fournir. Pour son reportage sur les Hmongs du Laos, la démarche de Philip est sans concession, son approche est entière, et son engagement total : Non seulement il s’équipe d’une chambre photographique, signe ses photos avec du sang, mais il vit une expérience de survie avec les gens qu’il est venu rencontrer, il est si proche de son sujet qu’il doit tutoyer avec lui les frayeurs de la traque, la vie en milieu hostile. Il va y rencontrer des populations littéralement terrassées qui vivent recluses et n’ont pas vu d’hommes blancs depuis le départ des américains ! Des hommes qui, comme on peut le voir sur l’une de ses images, prient à genoux devant lui pour leur salut. Au moment où il allait quitter le camp, des femmes ont pris leur paquetage pour venir avec lui : « C’était déprimant et frustrant de devoir leur dire que c’était impossible. C’était d’autant plus douloureux de les laisser en pensant qu’ils avaient de grande chance de se faire tuer. » Toutes ces expériences sont l’explication de l’esthétique si soigné de ses images, car c’est le travail qu’il préfère. Il déclare lors d’une interview menée par Emmanuel Deslouis : « Lorsque je suis témoin d’un événement, j’en suis aussi le messager. Son esthétique doit refléter ma façon personnelle de m’exprimer. Je ne fais pas de photographies pour plaire à quelqu’un en particulier, je le fais d’abord pour mon plaisir. Les médias imposent tout un tas de limitations lorsqu’elles utilisent les photos. A mes yeux, il est important de donner les infos historiques, mes sentiments, en bref tout le contexte de la réalisation de ces images. »

Beaucoup plus subtil et complexe qu'il n'y paraît, son travail interroge sur la pertinence de la forme de l'information. Pour Hervé Le Goff, la portée du travail de Blenkinsop dépasse le simple cadre du photojournalisme : "Sa proximité avec les combattants élargit sa vision au-delà du pur photo journalisme... un regard dans lequel l’art peut sans alibi exprimer le combat et la mort." (Le Photographe, septembre 2004). N’oublions pas ses scoops à Phnom-Penh durant le coup d’état de Hun Sen en juillet 1997, au Timor à Kalimantan, en Indonésie avec cannibalisme et têtes coupées durant les violences interethniques en 1999. Journaliste avant tout Philip réagit au refus des medias de confronter le spectateur à l’insoutenable de ces violences. Il pense que, en refusant des images sous prétexte qu’elles seraient "trop violentes" (ce qui est trop violent et insupportable c’est la situation sur le terrain, pas les images), la presse conforte le lecteur dans son apitoiement, dans ses bons sentiments et dans l’appréciation qu’il peut avoir de sa propre chance de vivre confortablement. Il y a là, dans cette façon de rendre acceptables et consommables des situations inadmissibles, une forme de complicité avec le pire. Parce que l’on n’appelle à aucune révolte. Surtout que ceux qu’il photographie sont généralement contents que l’on s’intéresse à eux. Ils sont heureux à l’idée qu’on les verra à l’autre bout du monde. Beaucoup sont nés dans la jungle ou dans d’autres endroits inhospitaliers, et risquent d’y mourir. En se faisant connaître loin, par une photo, ils acquièrent une petite part d’immortalité, leur image fait partie de l’Histoire.


Les risques du métier :
Les risques du métier de reporter ne sont pas comme on pourrait le penser uniquement présents durant le reportage, ils sont également bien présents une fois celui-ci terminé et même parfois bien longtemps après. Tout reportage est dangereux à partir du moment où l’on voyage illégalement dans un pays. Mais quels sont les dangers ? Etre capturé par les autorités et mis en prison. Sans compter les dangers physiques comme se casser une jambe au milieu de la jungle... En 1992, son reportage sur les combattants karens en Birmanie lui a montré l’aspect dangereux de son travail. Il était encerclé dans une montagne, ça tirait de tous les côtés. Il a failli y mourir mais de cette expérience, il a appris à ne plus risquer sa vie inutilement. Pour le reportage sur les Hmongs il a reçu sur le site web de l’agence et du Time de nombreux e-mail très menaçants, dont des menaces de mort, en provenance du Laos. Des messages affirmant que ces photos étaient des « montages », un « tissu de mensonges ». En faisant ce reportage, Philip pensait que s’il se faisait prendre, ses films seraient détruits et qu’on le mettrait en prison voire pire ! D’ailleurs deux journalistes Vincent Reynaud et Thierry Falise ont été emprisonnés au Laos, alors qu’ils venaient aussi de faire un reportage sur cette ethnie. Tout cela lui donne encore plus de conviction pour mener à bien son travail d’information. Il fait de ce reportage une question personnelle et rien ne pourra le dissuader de publier ses photos, son livre et de montrer au monde la situation telle quelle est.


Prix et publications :
En septembre 2003 Philip a obtenu le Visa d’Or à Perpignan 2003 et World Press award 2004, pour “La guerre secrète au Laos continue” reportage sur le génocide des Hmongs du Laos. Ce reportage fait le tour du monde et milite pour la cause d’une ethnie oubliée et toujours menacée d’extinction. Blenkinsop y décrit une région qu’il connaît bien. Il témoigne de la tragédie qui s’y joue encore aujourd’hui, après l’un des plus durs conflits menés par les Etat-Unis : Le Vietnam. Son livre raconte la situation de Hmongs, ce peuple recruté par les Américains pour lutter contre le Viet-Nam du Nord, puis abandonné et aujourd’hui persécuté. Après quinze années à pratiquer toute la zone de l’Asie du Sud-Est, son travail a d’ores et déjà fait le tour du globe, publié par Le Monde 2 et L’Express, Gazeta (Pologne), L’Espresso (Italie), Horizonte (Allemagne), Volkskrant (Pays Bas), Le Soir (Belgique), Eight (Angletterre), Time Magazine et Photo District News (Etats-Unis).

Il a reçu de multiples distinctions dont le prix Roger Pic 2004 décerné par la Société Civile des Auteurs Multimédia pour son travail sur la région du Vietnam Nord. Il obtient également le prix Photojournalisme d’Amnesty Médias Awards la même année. Il reçoit le Visa d'Or en 2005 pour ses photographies du désastre causé par le tsunami à Banda Aceh, le Visa d'or-news 2008. Philip a publié “Extême Asie” dans la collection Photopoche aux Editions Nathan. Il est membre de l'Agence VU puis de l'agence Noor photo agency en 2008 dont il est le fondateur. Ses photographies sont exposées dans des lieux prestigieux (Paris, Stokholm, Chine...) et publiées dans les plus grands magazines. Très demandé, il conduit des stages photo en Inde, en Italie, en France ou à Cuba (Nikon).


Son site n'est hélas plus actif à ce jour http://philipblenkinsop.com/, mais voici la page Facebook où vous pourrez voir quelques unes de ses images : https://www.facebook.com/philipsablenkinsop


Quelques unes de ses photographies sont dans le portfolio :