Raymond Depardon

L’ascension :

Raymond Depardon est né en France en 1942, il commence à prendre des photographies dans sa ferme familiale dans le Garet vers l'âge de 12 ans. Après son certificat d'études, il devient apprenti chez un photographe de Villefranche-sur-Saône, avant de suivre par correspondance des cours de photographie. Puis il part pour Paris en 1958. Il rejoint l'agence Dalmas à Paris en 1960 en tant que journaliste et en 1966 il co-fonde l'agence Gamma. De 1974 à 1977, comme photographe et cinéaste, il couvre l'enlèvement de l’ethnologue française Françoise Claustre, au Tchad. Tout en menant sa carrière de photographe, il commence à s’intéresser à la réalisation de films documentaires. Ainsi, en 1974 il tourne « Une partie de campagne », son premier long métrage sur la campagne présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing qui sortira en 2002. Puis en 1977 « Numéros zéro » qui traite du lancement du quotidien « Le Matin de Paris ». Plus tard encore, en 1979, il tournera un film documentaire sur l’hôpital psychiatrique de l’île « San Clemente ». L’objectif est de saisir les derniers instants de cet asile qui est voué à disparaître, puisque l’Italie vient de se doter d’une loi sur le démantèlement asilaire. Depardon passe un hiver chez les fous, il finit par devenir transparent et son objectif se promène sans interférer avec le monde qu’il saisit. La vie des aliénés de l’île proche de Venise est troublante, le personnel médical est peu présent, les fous déambulent librement dans toute l’île. Le fil du documentaire “brut de décoffrage”, revendiqué par Depardon, donne l’impression de visionner un film de caméra-surveillance mais en avançant dans le sujet on se figure être l’un des fous errants sur l’île en tous sens, sans but ni raison. Les passants de San Clemente semblent tous attendre quelque chose ou quelqu’un qui ne vient pas. L’attente se fige devenant peu à peu le sujet principal du documentaire. Ce film boucle remarquablement un travail photographique entamé en 1977.


Arrivée chez Magnum :

Fin 1978, début 79 Depardon quitte Gamma pour rejoindre l’agence Magnum où il continue son travail de reporter. Ses premiers reportages, pour cette nouvelle agence, sont réalisés lors de la guerre civile au Liban puis en Afghanistan, après l’intervention militaire soviétique. En 1979 il publie « Notes ». En 1980 il devient vice président Europe de Magnum. En 1984, la mission photographique de la Datar, dirigée par François Hers, ambitionne de renouer avec une tradition de la photographie de paysages. Elle fait appel à Raymond Depardon qui photographie, à la chambre et en couleur, les lieux de son enfance et sa ferme familiale.

En 1989 il photographie la chute du mur de Berlin tout en poursuivant toujours sa carrière de cinéaste. Il reçoit le Grand Prix national de la Photographie en 1991. En 1992 il fonde une société de production de films « Palmeraie  et désert » afin de pouvoir mener à bien un projet de film sur l’Afrique. Ses films vont être enfin reconnus, en 1994 avec «  Délits Flagrants », qui traite du système judiciaire français, et qui reçoit le César du meilleur documentaire. En 1996 il entame le tournage d’« Afriques : comment ça va avec la douleur ? » et part pour l’occasion du Cap en Afrique du sud, pour remonter jusqu’à Villefranche-sur-Saône et sa ferme du Garet  via le continent africain. Pour ce périple une caméra et un micro seront ses seuls compagnons de route, il va au gré des rencontres sans planification à l’aventure. Le titre vient de ce que le mot Douleur dans certains dialectes africains signifie bonjour. Le fait de sentir la « douleur » signifie que l’on est en vie, c’est un bon jour de plus, le « comment ça va » est aussi une forme de bonjour en soi. Tout cela couplé au fait que les africains ne se plaignent pas de leurs douleurs. En préambule du livre (puisqu’il existe également une version papier « d’Afriques » que j’ai la chance d’avoir), Depardon souligne les leçons que nous occidentaux devrions tirer de cette façon d’être. Ce livre nous fait voyager entre douleur et beauté, dans un continent souvent riche dans son cœur et pauvre dans sa terre.


Depardon aime toutes les caméras :

En 1998 il entreprend le premier tournage d’une série de trois films consacrés au monde rural français. En 2001 le premier volet « Profils paysans : l’approche » sort consacré au monde rural français en moyenne montagne. Plus tard en 2005 le second volet « Profils paysans : le quotidien » sortira et sera présenté en sélection officielle au festival de Berlin.  Enfin sa trilogie se terminera en 2008 avec le dernier épisode « Profils paysans : la vie moderne » qui remportera le prix Louis-Delluc. Au total 3 documentaires que je vous conseille vraiment ; C’est frais, naturel, authentique et nous montre la vie telle qu’elle est dans le monde rural avec la dureté du quotidien.

Il poursuit durant tout ce temps expositions et travail photographique sur le monde paysan, et différents pays. C’est un homme super productif qui ne cesse jamais de se trouver des projets. En 2010 il avait tourné dix-huit longs métrages et publié quarante-sept livres sans compter les rééditions de ses photographies.

Pour être complet dans cette biographie, je vous recommande vivement la « Collection Raymond Depardon » chez « Point » sortie en 2010 qui est très bien faite et dans laquelle on apprend beaucoup sur le personnage. Une collection complète de 52 volumes à tout prix (9  chaque volume) quand on connaît le prix d’un beau livre photo. Cette série est d’une qualité bluffante pour un format poche avec ses photos sur papier glacé ! Chaque volume retrace un grand moment de sa vie ou représente une réédition comme «San Clemente», «La ferme du Garet», «Un aller pour Alger», «Afriques», «Beyrouth», «Jeux olympique de Mexico», «Tchad», «Chili»… C’est sa vie complète et surtout son œuvre photographique intégrale ! Personnellement quand je veux me faire plaisir j’en achète un. Chaque double page est l’association d’une de ses photos et d’un récit sur les anecdotes de la vie de Depardon. Des auteurs comme Louis Gardel, Claudine Nougaret ou Bernard Phan participent à la rédaction.


Parole de Depardon :

Je terminerais par la citation d'un extrait d’une interview menée par Alexandre Tylski : « Quels conseils donneriez-vous à la jeune génération ? »

Raymond Depardon : « Il faut qu’ils fassent des images… Il faut commencer… Il n’y a pas besoin d’aller dans le désert pour faire des images… Faire des voyages c’est une façon de se motiver à faire des images, mais on peut en faire aussi au coin de sa rue, même si on la connaît tellement qu’on a du mal à y faire des photos. Mais les deux approches sont valables : autant dans le coin de sa rue que dans le grand voyage. Moi je pense qu’il faut commencer d’une manière très simple sans peut-être trop d’ambition et faire des photos à sa portée. Moi c’est ce que je ferais si je recommençais. C’est ce que je fais d’ailleurs : des photos de tous les jours, accessibles, avec des lieux et des lumières familières… Commençons comme ça, comme si la photographie était quelque chose qui luttait contre la mort pour compter le temps qui passe. C’est une de ses fonctions. Sans animosité de dramaturgie, simplement : arrêter le temps. La photographie est un des premiers médiums à maîtriser le temps, pour moi, elle passe même avant le cinéma. »


Pour en savoir plus sur le travail colossal de Depardon : http://www.magnumphotos.com/


Quelques unes de ses photographies sont dans le portfolio :