Willy Ronis

Le photographe français Willy Ronis est né d’une mère pianiste juive lituanienne et d’un père émigré juif d’Odessa, le 14 août 1910 à Paris dans le 9ème arrondissement au pied de la butte Montmartre. Il décèdera le 11 septembre 2009 presque centenaire dans la nuit à l'hôpital Tenon dans le 20ème arrondissement. Né un violon entre les mains comme tout petit juif immigré ukrainien qui se respecte, il voulait devenir compositeur. La photo, il l’a découverte dans l’atelier de son père, un photographe de quartier qui vivait essentiellement de mariages, de communions, de portraits de grands-parents ou des petits derniers... Puis vient la mort de son père, la fermeture de l’atelier et la nécessité de gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de sa famille qui le conduisirent à devenir reporter photographe en 1936. Pourtant, très vite, ses photos parurent dans Life ou Time, à côté de celles de Capa ou de Seymour. C’est que chacune de ses photos, prises sur le vif, n’était pas l’œuvre d’un poseur : il ne photographiait pas des scènes ou des personnages, mais leur lumière. S’il y a du Rubens et du Bruegel dans chacune de ses photos, il y a surtout un art de la composition non-factice, une vérité de l’instant. Il est, avec Robert Doisneau, Édouard Boubat, Izis, Sabine Weiss ou Yvette Troispoux, l’un des plus éminents représentants du courant humaniste photographique français. Attaché à capter fraternellement l’essentiel de la vie quotidienne des gens beaucoup de ses images relèvent son regard porté sur le quotidien de personnages et de situations ayant pour cadre la rue, afin d’élaborer des micro-histoires. Observant le monde, ses photos dressent une sorte de portrait à la fois intimiste et profond de la société et de l’époque.


Son style reste intimement lié à son vécu et à son propre parcours. Il n’hésitait pas à évoquer sa propre vie et son contexte politique et idéologique. Au fil de ses images et de ses textes, on découvre ainsi un photographe désireux avant tout d’explorer le monde, épiant en secret, attendant patiemment que celui-ci lui dévoile ses mystères. À ses yeux, l’important est davantage de recevoir des images que d’aller les chercher, d’absorber le monde extérieur plutôt que de le saisir et, de là, bâtir son propre récit. Maintenant et même s’il est vrai que ses images souscrivent, dans une certaine mesure, à une vision optimiste de la condition humaine, il n’oublie pas pour autant de traiter de l’injustice sociale et s’intéresse aux gens démunis, à la condition et à la lutte ouvrières. Sa sensibilité aux luttes quotidiennes pour survivre dans un contexte professionnel, familial et social précaire montre que ses convictions politiques de militant communiste, l’incitaient à un engagement actif dans ses clichés. Ronis multiplie les reportages en banlieue, photographiant des scènes pittoresques, des passants affairés, des amoureux, les quais de seine, les bords de la Marne, les Halles ou le quartier latin... Ces photographies, à la fois si complémentaires et si différentes les unes des autres, dans le fond comme dans la forme, témoignent toutes d’un regard empli de tendresse, mais sans complaisance ni emphase. Ces images sensibles et aujourd’hui quasi intemporelles, témoignent avec tant de force de son désir de justice sociale, qu’elles interrogent la condition humaine. « Je n’ai jamais poursuivi l’insolite, le jamais vu, l’extraordinaire, mais bien ce qu’il y a de plus typique dans notre vie de tous les jours ».


On a tendance à réduire la production photographique de Willy Ronis au seul territoire français. Pourtant, depuis très jeune Willy a beaucoup voyagé et a photographié d’autres pays. Mais il est vrai que c’est un quartier de Paris que l’artiste aimait surtout. Très jeune, Willy Ronis a commencé à photographier Paris et les quartiers qu’il sillonnait, et n’a plus jamais cessé de le faire. Ce n’est qu’en 1947, sur l’invitation de Daniel Pipard, un peintre ami de sa femme Marie-Anne, qu’il va découvrir Belleville et Ménilmontant. C’était alors une sorte de village enclos dans Paris et ignoré des Parisiens, qui ne s’y aventuraient qu’avec crainte, tant sa réputation était mauvaise dans les quartiers bourgeois. « C’était le quartier des Apaches, on n’y allait pas », raconte Willy Ronis. Pour lui, en revanche, c’est une révélation, il tombe amoureux de ce quartier où le temps semble suspendu, Belleville et Ménilmontant ont été un coup de foudre. Il s’attache à y décrire la vie sociale simple et modeste, mais d’une solidarité exemplaire, s’arrêtant dans les bistrots et les ateliers, il arpente les tonnelles, les ruelles, les passages et les arrière-cours à la rencontre de personnages sans prétention mais riches d’humanité. Willy Ronis constitue ainsi un témoignage hors-pair sur un Paris aujourd’hui disparu, empreint d’une douceur de vivre modeste et insouciante en dépit de la misère qui règne. En 1954 il publie son premier livre intitulé « Belleville Ménilmontant » avec des textes de Pierre Mac Orlan. Il ne rencontre pas le succès, mais il est devenu désormais un livre culte, réédité à trois reprises, avec un nouveau texte de Didier Daeninckx en 1992.


Lauréat du Grand Prix national de la photographie en 1979 et du prix Nadar en 1981. Willy Ronis ne se souciait pourtant guère de la technique. Selon lui « L’œil n’est pas la question centrale en photographie, mais l’organe principal du photographe, c’est ses jambes, il faut savoir monter sur une caisse pour fixer une scène sous une lumière particulière. » C’est ainsi que dans les années 1990, quand ses jambes le lâchèrent, Willy Ronis raccrocha pour de bon son appareil photo et entreprit de classer la mémoire d’un siècle dans une armoire métallique de son appartement du XXe arrondissement. Ainsi, à partir de 1985, il se plonge dans son fonds photographique pour sélectionner ce qu’il considère comme l’essentiel de son travail. Il réalise une série de six albums, constituant ainsi son testament photographique. Ronis nous laisse une œuvre incomparable d’une France disparue. Il nous transmet également une théorie sur la photographie qui affirme qu’on ne peut pas fixer sur la pellicule deux fois la même image : Un clic et puis s’en va !


Il n’y a pas de site consacré à l’ensemble du travail de Willy Ronis mais ce lien pourrait vous intéresser on y trouve quelques unes de ses images et une courte biographie :  https://www.photo-arago.fr/


Quelques unes de ses photographies sont dans le portfolio :