Arkady Bronnikov

Arkady Bronnikov est né en 1926, il est considéré comme le premier et le meilleur expert de la Russie en matière de tatouages iconographiques. Au début des années 1950, il a étudié à l'Académie de Moscou du ministère des Affaires intérieures de l'Union soviétique, où il a ensuite travaillé comme inspecteur pour la police locale. En 1963, il est devenu professeur de criminologie à la Faculté de l'Académie du Ministère de l'Intérieur Perm, où il a travaillé jusqu'en 1991. Pendant ce temps, il a recueilli des milliers de photos de prisonniers tatoués dans toute l'Union soviétique. Il aidait régulièrement le KGB à résoudre des affaires criminelles en utilisant ses archives de photographies de tatouages pour identifier les coupables et les cadavres du milieu du grand mafieux russe.


Il a réalisé une exposition sur les fichiers d’archives de la police russe montrant des criminels tatoués. C’est aussi fascinant que terrifiant de découvrir les significations et les codes de ce langage visuel imaginé par la mafia russe.


Parmi les principaux et plus fréquents tatouages, et afin de pouvoir déchiffrer les images d’Arkady Bronnikov, je vous livre le résultat de mes recherches sur le sujet. Ainsi certains dessins représentent la hiérarchie dans l’organisation. Les épaulettes ou les médailles symbolisent un haut rang, elles sont portées par les criminels les plus puissants et les plus respectés. Une croix portée sur la poitrine signifie «Prince des voleurs », le rang le plus élevé possible dans la spécialité. Les étoiles à 8 branches tatouées sur les épaules ou les clavicules, marquent de hauts gradés dans la hiérarchie.


On retrouve une panoplie de signes qui traduisent les méfaits des détenus, leur spécialité ou leur parcours. Une rose emmêlée de barbelés, veut dire que son porteur a au moins 15 ans de prison à son actif. Le crâne à la croix en os n’est pas bon signe puisqu'il indique que le détenu purge une peine à perpétuité, tandis qu’un simple crâne signifie que l’on a affaire à un tueur. Le poignard ou la dague à travers le cou informent que le détenu a déjà tué en prison, et que moyennant finance il recommencera. Chaque cloche ou clocher indique une peine intégralement purgée, les menottes ou le bracelet attestent de peines d’au mois cinq ans. Les petits points sur les phalanges, les bagues, les anneaux ou les croix tatouées sur les doigts, indiquent le nombre de contrats remplis et leur nature. La croix de fer exprime que celui qui la porte n’a peur de personne et n’a aucune pitié.


Quelques dessins sont réservés à évaluer la fidélité du porteur. Ainsi, le sigle SS symbolise la haine des autorités, le fil barbelé indique que son propriétaire ne sera jamais retourné, il ne trahira jamais son clan. Des étoiles sur les genoux symbolisent la fidélité à la cause face à l’autorité, que le propriétaire n’est pas une balance et qu’il ne se mettra jamais à genoux devant la police. Les lettres YK indiquent l’enfermement dans les camps spéciaux.


Dans les tatouages on retrouve aussi beaucoup de références au monde animalier. Par exemple le scarabée sur la main précise que le détenu est un redoutable pickpocket. L’araignée qui grimpe dans une toile signifie que le porteur est pleinement engagé dans la vie du crime, si elle en descend, qu’il tente de sortir de son emprise. Le serpent représente généralement une addiction à la drogue. Le tigre atteste d’une agression contre les forces de l'ordre. Le chat est un signe de protection et de chance.


D’autres symboles divers se traduisent également comme la serrure qui marque l'amour de l’argent et de la liberté. Le bateau qui symbolise que le porteur est un nomade qui refuse de travailler et est prompt à l'évasion. Les yeux ont plusieurs sens, placés au dessus des clavicules ils expriment « Je t’ai à l’œil », message adressé aux autres détenus. Placés sur l'abdomen, ils annoncent l'homosexualité, le pénis formant le nez d’un visage, cela se traduit par « On sait se marrer en prison ».


Des symboles religieux couvrant la poitrine et l'estomac, comme une Madone ou la Chapelle Sixtine, représentent le talisman des grands voleurs populaires. La Vierge Marie et l'enfant représente dans la tradition iconique orthodoxe, la conscience propre et la fidélité.


Par ailleurs des figures politiques de l'époque soviétique servent couramment de protection, ainsi les mafieux arborent souvent des portraits de Lénine ou de Staline sur la poitrine ou dans le dos en guise de gilet pare-balle. En effet il est toujours délicat pour les autorités de tirer sur une représentation d’un leader suprême.


Enfin, proches des tatouages, certaines cicatrices apparentes sur le visage (généralement appliquées de force) montrent la punition infligée à un détenu qui a trahi. Plus un gangster possède de tatouages, plus il grimpe dans la hiérarchie et s’approche de la catégorie suprême des intouchables. Enfin, la punition infligée à celui qui porte un tatouage immérité est très sévère. Au mieux, le tatouage est enlevé avec du papier de verre ou un rasoir, au pire, après l’effacement, le coupable est souvent violé puis éliminé.


Quelques unes de ses photographies sont exposées sur http://fuel-design.com/russian-criminal-tattoo-archive/arkady-bronnikov/


Quelques unes de ses photographies sont dans le portfolio :